Novembre 2025
La 30ᵉ Conférence des Parties (COP30) s’est tenue à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre 2025, et s’est prolongée jusqu’à l’aube du 22 novembre pour arracher un compromis final. Cette COP, organisée à l’entrée de l’Amazonie, avait une portée hautement symbolique : dix ans après l’Accord de Paris, elle devait confirmer la capacité du multilatéralisme climatique à maintenir la trajectoire de 1,5°C. Or, le contexte était lourd. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, comme plusieurs voix scientifiques, ont averti que le risque de dépassement (« overshoot ») du seuil de 1,5°C devenait très probable en l’absence d’une réduction accélérée des émissions mondiales (COP30 Brazil, 2025a; Carbon Brief, 2025). Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva avait d’ailleurs annoncé vouloir une « COP de la vérité » : une COP où les engagements seraient alignés sur l’urgence physique du climat (COP30 Brazil, 2025a).
Le résultat final — le « paquet politique de Belém » — présente donc un double visage : d’un côté, une avancée nette sur la finance climatique et l’adaptation ; de l’autre, une faiblesse persistante sur la transition hors des combustibles fossiles, pourtant responsables de l’essentiel des émissions anthropiques (UNFCCC, 2025a; Reuters, 2025a).
L’accélérateur de la finance climatique
Le cœur de COP30 est la décision dite Mutirão, texte-cadre regroupant les compromis sur financement, adaptation, atténuation et questions commerciales. Elle endosse un objectif financier majeur : mobiliser au moins 1,3 trillion de dollars par an d’ici 2035 pour l’action climatique globale. Ce montant reprend l’architecture de COP29 : les pays développés avaient confirmé un plancher d’au moins 300 milliards USD/an pour les pays en développement à horizon 2035, avec l’aspiration d’atteindre 1,3 trillion via un mélange de fonds publics et privés (Reuters, 2025a; Carbon Brief, 2025). La présidence brésilienne a insisté sur la nécessité de réformer la finance internationale afin de réduire le coût du capital vert pour les économies émergentes et accélérer l’orientation des flux privés vers l’atténuation et l’adaptation (COP30 Brazil, 2025a).
Sur l’adaptation, les Parties ont envoyé un signal politique fort : la triple augmentation des financements d’ici 2035, avec une étape intermédiaire de doublement dès 2025. Même si l’accord n’est pas juridiquement contraignant, il marque une reconnaissance explicite du « retard d’adaptation » et de la vulnérabilité croissante des pays exposés aux chocs climatiques (UNU-EHS, 2025; Reuters, 2025a). De plus, COP30 a confirmé l’opérationnalisation du Fonds pour les Pertes et Dommages — conçu à COP28 — et le lancement de cycles de réapprovisionnement pour rendre ce mécanisme durable (UNU-EHS, 2025; UNFCCC, 2025a).
Ces avancées reflètent une idée centrale : sans volumes financiers massifs et prévisibles, l’Accord de Paris reste une architecture d’intentions. COP30 a donc consolidé la finance comme moteur de crédibilité climatique.
De nouvelles structures pour l’implémentation
Belém a aussi cherché à transformer les promesses en actions, en lançant deux dispositifs complémentaires : le Global Implementation Accelerator et la Belém Mission to 1.5°C. Ces initiatives visent à renforcer les capacités nationales pour aligner les contributions déterminées au niveau national (CDN) et les plans d’adaptation sur une trajectoire de mise en œuvre réelle (COP30 Brazil, 2025a). Elles s’inscrivent dans la « COP de l’implémentation », où l’agenda d’action rassemble des coalitions multi-acteurs, des objectifs sectoriels et des outils de suivi (COP30 Brazil, 2025b).
COP30 a également introduit un élément inédit dans les textes décisionnels : la reconnaissance du risque de désinformation climatique. Les Parties s’engagent à promouvoir l’intégrité de l’information et à contrer les récits sapant l’action fondée sur la science. Cette mention, bien que prudente, montre que la bataille climatique est aussi culturelle et politique : la confiance publique devient un levier indispensable de transition (COP30 Brazil, 2025a; Carbon Brief, 2025).
Enfin, la COP a appelé à bâtir un mécanisme de transition juste, destiné à accompagner les pays dont l’économie dépend des secteurs fossiles, via assistance technique, coopération, et renforcement des capacités (UNFCCC, 2025a).
Le grand manque : les combustibles fossiles
Malgré ces progrès, COP30 n’a pas acté le saut attendu sur la sortie des énergies fossiles. Plus de 80 pays soutenaient l’idée d’une feuille de route formelle pour l’élimination progressive du charbon, du pétrole et du gaz. Pourtant, le texte final a été édulcoré : il réaffirme seulement le langage de COP28 sur une « transition hors des combustibles fossiles », sans calendrier ni jalons chiffrés (Reuters, 2025a; Politico, 2025).
Selon Reuters, ce recul résulte d’une opposition ferme de pays fortement pétro-dépendants, au détriment d’États insulaires et européens qui souhaitaient un engagement plus explicite (Reuters, 2025a). Politico rapporte que cette absence a été vécue comme une occasion manquée, car l’atténuation exige un cap énergétique clair, pas uniquement des moyens financiers (Politico, 2025). Le contraste est donc saisissant : la finance avance vite, mais la direction énergétique reste politiquement disputée.
L’Amazonie et l’agenda volontaire
Même si l’accord final n’a pas inclus une feuille de route mondiale contraignante pour la déforestation, la COP a catalysé des engagements volontaires majeurs autour des forêts. Reuters souligne que le Tropical Forests Forever Fund (TFFF)a recueilli près de 7 milliards de dollars à Belém et élargi sa coalition à plus de 50 pays, avec une part réservée aux peuples autochtones et communautés locales (Reuters, 2025b). Cette dynamique confirme que, dans un contexte de blocages interétatiques, l’agenda d’action — coalitions, fonds spécialisés, alliances sectorielles — devient un second moteur du régime climatique (COP30 Brazil, 2025b; Reuters, 2025b).
Conclusion : un tournant financier, une transition encore incomplète
COP30 a clairement renforcé la solidarité et l’architecture financière du climat. La cible de 1,3 trillion USD/an, l’élévation de l’adaptation et la consolidation du Fonds Pertes et Dommages constituent une avancée structurante pour la mise en œuvre de Paris. Mais l’absence de langage renforcé sur les combustibles fossiles indique que la transition énergétique reste le nœud politique le plus dur. Le « phare double » de Belém éclaire donc un chemin paradoxal : les ressources pour bâtir la transition sont mieux définies, mais la sortie effective du modèle fossile demeure inachevée. L’enjeu de COP31 sera de reconnecter ces deux dimensions — financement et cap énergétique — afin que la « vérité » climatique proclamée à Belém ne reste pas une vérité partielle.
Références
Carbon Brief. (2025, 23 novembre). COP30: Key outcomes agreed at the UN climate talks in Belém. https://www.carbonbrief.org/cop30-key-outcomes-agreed-at-the-un-climate-talks-in-belem/ Carbon Brief
COP30 Brazil. (2025a, novembre). COP30 approves Belém package. Gouvernement du Brésil – Présidence de la COP30. https://cop30.br/en/news-about-cop30/cop30-approves-belem-package1 COP30 Brasil
COP30 Brazil. (2025b, 21 novembre). The COP of implementation: Action agenda delivers accelerated progress on solutions and builds momentum for renewed global vision in Belém and beyond. https://cop30.br/en/news-about-cop30/the-cop-of-implementation-action-agenda-delivers-accelerated-progress-on-117-solutions-builds-momentum-for-renewed-global-vision-in-belem-and-beyond COP30 Brasil+1
Politico. (2025, 22 novembre). Climate summit proposal dodges call to accelerate move from fossil fuels. https://www.politico.com/news/2025/11/22/deal-or-meh-deal-climate-summit-ends-on-a-deflating-note-00664769politico.com
Reuters. (2025a, 23 novembre). Takeaways from the COP30 climate summit in Brazil. https://www.reuters.com/sustainability/cop/takeaways-cop30-climate-summit-brazil-2025-11-23/ Reuters
Reuters. (2025b, 28 novembre). No roadmap to end deforestation, but Brazil’s COP in the Amazon delivered for forests. https://www.reuters.com/sustainability/land-use-biodiversity/no-roadmap-end-deforestation-brazils-cop-amazon-delivered-forests–ecmii-2025-11-28/ Reuters
United Nations Framework Convention on Climate Change. (2025a). Belém political package. UNFCCC. https://unfccc.int/cop30/belem-political-package UNFCCC
United Nations University – Institute for Environment and Human Security. (2025, 26 novembre). 5 outcomes from COP30: What the Belém political package really delivered. https://unu.edu/ehs/article/5-outcomes-cop-30-what-belem-political-package-really-delivered









